"Patrimoine culturel : valorisation à deux vitesses" et questions de direction

« Valorisation à deux vitesses » : tel est le titre de l’enquête du magazine Que-Choisir ? (http://www.quechoisir.org/loisirs-tourisme/sport-culture/enquete-patrimoine-culturel-valorisation-a-deux-vitesses).

Tourné vers la défense des consommateurs, conformément à sa mission, le magazine estime que « désormais, le monde des musées et des monuments est soumis à une logique marchande. Cette quête de la rentabilité à tout prix, au détriment de la mission de service public, compromet l’équilibre du système ».

Bigre !

Voilà qui résonne étrangement après la parution (que nous commenterons prochainement) du rapport de la Cour des comptes sur les musées nationaux.

Voici, pour permettre au lecteur de se faire son opinion, quelques phrases de l’article de Florence Humbert, en précisant qu’elle a puisé dans les enquêtes réalisées sur Versailles par Bernard Hasquenoph (http://louvrepourtous.fr).

  • « Aujourd’hui, la tendance est à la rentabilisation du patrimoine »
  • « De grands progrès restent à accomplir dans la plupart des sites en matière d’accueil, de confort de visite ou de muséographie »
  • « Le « chacun pour soi » est désormais la règle »
  • « Le fossé se creuse entre Paris et les régions »
  • « Le rajeunissement du public et l’ouverture sociale n’ont pas été au rendez-vous, loin s’en faut »
  • S’agissant de Versailles, « les conditions de la visite sont jugées déplorables. Premier point noir : les tarifs trop élevés et opaques. (…) La visite peut virer au cauchemar les jours de grande affluence. (…) Certes Versailles est le troisième site le plus fréquenté au monde, mais il risque aussi de remporter la palme du monument le plus mal géré. »

À ce propos, on annonce la nomination à la tête du domaine national de Versailles d’une journaliste et conseillère du président de la République.

Elle devrait succéder à ce poste à Jean-Jacques Aillagon, qui avait donné la priorité aux efforts de communication du château, tout en paraissant sous-estimer l’ampleur des difficultés en matière d’accueil, d’information et d’éducation des publics, à la fois français et étrangers.

Il paraît utile à cet égard de rappeler que la direction d’un établissement culturel aussi prestigieux devrait résulter – comme cela se fait à l’étranger – d’un processus de sélection des candidats déclarés sur des critères clairs tels que la vision artistique, l’ambition culturelle, la capacité à réunir des énergies, les expériences préalables, les compétences managériales.

Voici ce que nous écrivions à ce sujet dans Le Nouvel âge des musées :

« Nous pensons utile d’organiser, à l’instar des modes de recrutement des chefs d’établissements artistiques spécialisés, des concours pour le recrutement des chefs d’établissement des musées. En effet, cette confrontation de projets pourrait permettre – davantage qu’à l’heure actuelle – de mettre en évidence les qualités respectives des candidats conservateurs appelés à diriger des établissements d’une certaine taille dans des domaines tels que la vision stratégique, la direction d’équipe, la conduite du changement ou la maîtrise du management de projet. »

Autrement dit, le choix du responsable d’un grand établissement culturel ne devrait-il pas résulter – en toute transparence – de l’examen des projets respectifs de personnalités dont la compétence, l’expérience, la réputation et le prestige ne sauraient être mis en doute ?

C’est à ce prix que ces établissements pourront conjuguer le plein accomplissement de leur mission artistique, scientifique, éducative et sociale et une gestion rigoureuse de leurs ressources humaines, techniques et financières.

L’objectif n’est donc certainement pas de plaider contre une nécessaire modernisation de la gestion des musées, des monuments ou des bibliothèques, mais bien de reconnaître la priorité à accorder à leurs missions fondamentales :

  • impératifs scientifiques
  • programmation culturelle de qualité
  • accessibilité au public le plus large
  • ancrage éducatif

De fait, cela n’empêche aucunement de se préoccuper des conditions d’accueil des visiteurs (certaines grandes institutions ont encore du chemin à parcourir dans ce sens, comme le montre l’enquête de Que Choisir), de l’insertion dans l’univers touristique ou de la recherche de nouvelles marges de manœuvre financières.

Nous avons ainsi eu l’occasion d’attirer l’attention sur l’importance de la question de la direction des établissements culturels au vu des risques de dérive marchande, de prise en compte réduite des impératifs de conservation des œuvres et de programmations moins exigeantes (cf. « Qui doit diriger les musées ? », Le Journal des Arts, n° 268, 2 au 15 novembre 2007).

On mentionnera par ailleurs l’article de Didier Rykner sur la question de l’évolution – mise en œuvre par Jean-Jacques Aillagon – de la gouvernance de l’établissement public du domaine national de Versailles au profit de son président et au risque de marginaliser les personnels scientifiques et de conservation : http://www.latribunedelart.com/un-projet-de-statut-pour-versailles-une-nouvelle-defaite-de-l-histoire-de-l-art-article002530.html.

Quelle est la position du ministère de la Culture ?

Quelle est la position de l’Institut national du patrimoine ?

Et vous, quelle est votre position ?

 


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