Journée d’études doctorales / Dialogues entre art et droit

Journée d’études doctorales

En partenariat avec l’École doctorale 441 Histoire de l’art, le Département de recherche en droit de l’immatériel de la Sorbonne (DReDIS) et l’Institut de Recherche Juridique de la Sorbonne Andre Tunc

Dialogues entre art et droit

22 octobre 2020

Galerie Colbert, salle Vasari (9h00 – 18h00)

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Responsables scientifiques : Tristan Azzi, École de Droit de la Sorbonne et Dominique Poulot, HiCSA

Organisatrices : Ina Belcheva, doctorante HiCSA et Sofia Roumentcheva, doctorante EDS, université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne

Les domaines de l’art, de la culture et du patrimoine se situent au croisement de diverses disciplines. Parmi elles, le droit et l’histoire de l’art proposent des sujets d’étude à problématiques similaires, que les chercheurs envisagent à travers leurs disciplines respectives.Cependant, leurs études, souvent menées en parallèle, ne se croisent pas toujours. Le besoin de spécialisation que requiert la recherche scientifique tend inévitablement vers une discipline unique.

Cette journée d’étude a pour objectif de faire dialoguer les chercheurs spécialisés dans le droit d’un côté et dans l’histoire de l’art, du patrimoine et du marché de l’art de l’autre. Cette démarche se situe dans le prolongement des doubles formations universitaires qui intègrent la pluridisciplinarité dans le secteur. Il s’agit de créer une opportunité pour les chercheurs qui appartiennent à des domaines différents de communiquer et de travailler ensemble. L’enrichissement mutuel que peut apporter la confrontation des socles théoriques et des outils propres à chaque discipline peut, espère-t-on ici, avoir des bénéfices non seulement dans le cadre d’échanges ponctuels mais aussi dans les relations des chercheurs à long terme.

Les thématiques abordées, choisies en fonction de leur capacité à cristalliser des problématiques qui se situent à l’intersection du domaine juridique et des études en histoire de l’art, seront abordées dans le cadre de présentations en binômes. Elles permettront l’échange de concepts et de méthodes, et ouvrent les portes à de futures coopérations.
 


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Programme

9h00 / Accueil des participants
9h30 / Mots d’introduction et présentation des objectifs de la journée d’étude, par Tristan Azzi, Dominique Poulot, Sofia Roumentcheva et Ina Belcheva

Session 1 : Musées et patrimoine culturel

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10h00 /

Jean-Michel Tobelem, professeur associé à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Intérêt et limite de la notion de marque pour les institutions culturelles
Comment expliquer le développement des approches par la notion de marque dans le domaine des institutions culturelles ? Quels en sont les fondements, les intérêts et les limites ? La notion de marque est-elle applicable à toute institution culturelle ? Comment la mettre en œuvre, dans le respect des missions de l’institution ? Le bilan que l’on peut établir des développements relatifs à la notion de marque devrait permettre d’en tirer un certain nombre d’enseignements.

Cécile Anger, doctorante en droit à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne ; responsable du mécénat et des partenariats au Domaine national de Chambord
La marque : l’outil juridique adéquat pour protéger le patrimoine immatériel des musées ? 
La marque est fréquemment présentée comme un bon outil pour valoriser le patrimoine immatériel des musées, en particulier leur nom et leur image.
Si la marque constitue en effet un instrument intéressant du point de vue de la valorisation, il convient de se demander si elle permet de protéger efficacement le nom et l’image des musées. Avant d’envisager le patrimoine immatériel sous l’angle de son exploitation, se pose la question de sa protection. Nous verrons que si la marque présente des avantages considérables, elle souffre également de lacunes et ne constitue pas nécessairement l’outil le plus adapté en matière de protection.

10h45 /

Olivia Guiragossian,  doctorante en sciences de l’information et de la communication (muséologie), Université Sorbonne Nouvelle – Paris 3, laboratoire Cerlis
Le musée numérique : repenser l’institution muséale ?
Le musée numérique est-il un musée ? L’apparition des technologues de l’information et de la communication (TIC) au tournant des années 1980 constitue certainement l’un des bouleversements les plus rapides et profonds de l’institution muséale, provoquant à la fois un certain glissement des fonctions muséales (archivage, présentation et étude des objets) et des modifications structurelles quant à l’expérience de visite. Entendus comme une « catégorie de musées dont les collections et les modes de communication sont composées dans leur globalité de manière numérique, à partir de bases de données sur ordinateur, généralement via internet » (Desvallées & Mairesse, 2011), les musées numériques réinterrogent les contours d’une institution qui se modifie, définissent de nouvelles modalités d’actions inscrite dans les prolongements du courant de la Nouvelle Muséologie et finalement révèlent la quintessence du musée (Schweibenz, 2004). En abordant la question de la diversité du champ muséale par le prisme des TIC, nous tenterons ici d’interroger ces bouleversements au travers de quelques exemples (Museu da Pessoa, Musea) et de pratiques qui constituent – certainement – des développements majeurs pour le musée du XXIe siècle.

Clara Gavelli, doctorante en droit de la propriété intellectuelle à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Le droit d’auteur face aux nouvelles pratiques muséales à l’ère du numérique
À l’heure où les expositions virtuelles se normalisent, les tensions entre le droit d’auteur, le numérique et le musée s’amplifient. Le numérique est non seulement venu bousculer les pratiques muséales, mais aussi le droit d’auteur qui peine parfois à s’imposer ou se faire comprendre quand il est question de diffusion de la culture — que ce soit au musée ou sur Internet. Les institutions muséales, en se saisissant des nouvelles technologies, touchent un public toujours plus vaste et se trouvent en conséquence d’autant plus confrontées aux règles du droit d’auteur. La reproduction en ligne d’œuvres n’appartenant pas encore au domaine public fait notamment ressurgir l’épineuse question du droit d’exposition des artistes. La numérisation ou la virtualisation des œuvres peut aussi se heurter au droit moral des artistes plasticiens. Plus généralement, les photographies d’œuvres préexistantes et les expositions désormais reproductibles sur les sites muséaux incitent à repenser les contours de la notion d’œuvre d’art au sens du droit.
 

11h30 / Discussion

12h00 / Pause

Session 2 Marché de l’art

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13h30 /

Emanuelle Polack, docteure, spécialiste de l’art sous l’Occupation, chargée de mission au musée du Louvre
Jalons de provenance de Femme à l’ombrelle verte au balcon de Matisse
La présentation dans un catalogue de vente de tableaux modernes à l’Hôtel Drouot le 9 mars 1942 d’une toile de Matisse intitulée Femme à l’ombrelle, de 1919, d’une hauteur de 65 centimètres par une largeur de 46 centimètres, signée en bas à gauche, ne manque pas de nous étonner. Une rapide recherche bibliographique nous mène à considérer que l’œuvre appartenait à la collection du célèbre marchand Paul Rosenberg. Ce tableau a été mis en vente et racheté par un marchand de la rue du faubourg Saint-Honoré à Paris. Puis, l’on retrouve la trace de Femme à l’ombrelle de Matisse dans une vente aux enchères publiques de tableaux anciens et modernes le 30 octobre 1943 dans une galerie à Genève en Suisse. Aucune licence ne semble avoir été sollicitée pour la sortie du territoire français du tableau alors même que l’œuvre figurait à l’inventaire des œuvres appartenant à Paul Rosenberg, confisquées par les autorités occupantes, du coffre de la banque nationale pour le commerce et l’industrie de Libourne. Cette communication ambitionne de dresser une recherche de provenance entre la France et la Suisse.

Valentin Huerre, doctorant en droit privé à l’Université Paris 2 Panthéon-Assas
La mise en œuvre des restitutions de biens juifs spoliés
Les œuvres d’art confisquées dans le contexte tragique des actes de spoliations de biens juifs réapparaissent de façon croissante sur le marché de l’art. Pendant la période d’après-guerre, certains détenteurs précaires de biens spoliés ont réussi à s’en délester au profit d’acquéreurs, pour la plupart dupés sur la provenance de ces œuvres et de bonne foi. Aujourd’hui, certains d’entre eux les mettent à leur tour en vente ou les confient pour des expositions publiques. À ces occasions, on remarque une augmentation des revendications de ces œuvres par les victimes des actes de spoliation ou par leurs héritiers pouvant aboutir à leur restitution. L’étude de provenance de Femme à l’ombrelle verte au balcon de Matisse en est une parfaite illustration. Cette résurgence d’œuvres spoliées invite à se saisir de la question suivante à laquelle il conviendra de répondre à l’aune de cet exemple : existe-t-il des moyens juridiques satisfaisants permettant aux familles spoliées d’obtenir la restitution de leurs œuvres, tout en préservant au mieux les intérêts des propriétaires actuels de bonne foi ?
 

14h15 /

Néguine Mathieux, conservatrice du patrimoine, directrice de la recherche et des collections du musée du Louvre
Un désir si commun et si coûteux : Les faux antiques dans les ventes aux enchères du XIXe siècle
La multiplication des découvertes archéologiques au cours du XIXe siècle nourrit fortement le goût et le désir des collectionneurs européens. Mais les fouilles ne suffirent rapidement plus à répondre à leur demande et à alimenter un marché en plein essor, nourri par les rivalités d’amateurs et des musées entraînés dans une vive concurrence. La salle des ventes devient le théâtre quotidien d’une surenchère qui brouille progressivement les frontières qui séparent la période antique de la période moderne. Ainsi, à partir des années 1870, les ventes et les collections s’emplissent peu à peu, de faux : œuvres retouchées, imitations proches de l’antique, ou recréations complètes, s’échangent au milieu des objets archéologiques à des prix très hauts. La supercherie stylistique est d’envergure et l’escroquerie financière est importante. Mais si, sous le marteau du commissaire-priseur, les yeux des conservateurs et les écrits de l’expert, la valeur financière l’objet prend de l’importance, qu’en est-il de sa valeur historique et scientifique ?

Tristan Azzi, professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Les lacunes du dispositif actuel de lutte contre les faux artistiques
Qu’est ce qu’un faux en matière artistique ? Quelle est l’ampleur du phénomène ? Comment le droit positif l’appréhende-t-il ? Le dispositif actuel de lutte contre les faux est-il efficace ? Voici les différentes questions auxquelles l’étude se propose de répondre en passant en revue les principales branches du droit concernées, qu’il s’agisse du droit pénal (dispositif spécial prévu par la loi Bardoux du 9 février 1895 sur les fraudes en matière artistique et infractions plus générales applicables aux ouvres d’art telles que la tromperie et l’escroquerie), du droit civil (annulation du contrat de vente d’œuvre d’art pour erreur sur l’authenticité et éventuelle mise en cause de la responsabilité des professionnels du marché de l’art) ou du droit de la propriété littéraire et artistique (action en contrefaçon pour atteinte au droit d’auteur).

15h00 / Discussion

15h20 / Pause

Session 3 Art et création

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15h40 /

Laure Martin-Poulet, présidente l’Arc de Triomphe Empaqueté
L’ARC DE TRIOMPHE EMPAQUETÉ, le premier projet posthume de Christo et Jeanne-Claude
Christo souhaitait que le projet L’Arc de Triomphe empaqueté soit mené à terme même au cas où il mourrait, dans la logique de ce qu’avec Jeanne-Claude, décédée en 2009, ils avaient décidé pour leurs projets en cours. Le 27 septembre 1982, est créée CVJ Corporation, structure juridique administrant la mise en œuvre des projets temporaires et autofinancés du couple. Christo en était le président jusqu’à son décès. Pour chaque projet entrant dans sa phase de réalisation, une filiale est à son tour créée dans le pays où il a lieu et sa durée d’existence est liée au règlement de tous les aspects dudit projet. Dirigée par Vladimir Yavachev, neveu de Christo, AdT WRAPPED SAS, est la succursale française pour la réalisation du dernier projet parisien de Christo et Jeanne-Claude, qui est aussi avec celui du Rideau de fer de 1962, l’un des plus anciens. C’est donc dans ce cadre et dans ces circonstances inédites dans l’œuvre de Christo et Jeanne-Claude que l’équipe Christo va s’attacher à concrétiser ce projet doublement symbolique dans le respect de la vision de Christo et du monument.

Edouard Treppoz, professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
L’ARC DE TRIOMPHE EMPAQUETÉ, quel regard du droit d’auteur sur ce premier projet posthume de Christo et Jeanne-Claude ?
Le droit et plus particulièrement, le droit d’auteur, a déjà eu à s’intéresser au travail de Christo et Jeanne-Claude. Ainsi, si une première décision avait pu reconnaître que l’idée d’emballer des objets ne pouvait pas être protégée, une deuxième décision avait, en revanche, retenu que « l’idée de mettre en relief la pureté des lignes d’un pont et de ses lampadaires au moyen d’une toile et de cordage » était protégée. La nature posthume de l’Arc de Triomphe Empaqueté soulève de nouvelles questions juridiques. Ainsi, celle de la titularité de l’œuvre achevée peut être posée. Si le projet est très certainement l’œuvre de Christo et Jeanne-Claude, sa réalisation pourrait devenir une œuvre composite, à condition que la réalisation posthume suppose une part de liberté suffisante. Une seconde difficulté peut alors surgir, lorsque cette part de liberté conduit à dénaturer l’œuvre. Il faut alors arbitrer entre respect de l’œuvre et liberté de création.

16h25 /

Ina Belcheva, doctorante en histoire de l’art et patrimoine à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
L’« éveil » des monuments : interventions artistiques sur le patrimoine monumental du régime communiste bulgare
En 2011, une action artistique dote des monuments de Sofia d’oreillers, un commentaire ironique du fait que la ville « dort, au lieu de discuter de son passé et de son présent » (ICA Sofia : 2011). Cette œuvre, nommée Sleeping City (La ville endormie), intervient à un moment où les discussions sur les monuments du régime communiste en Bulgarie gagnent en importance et reprennent place au centre des débats politiques, sociaux et artistiques. L’année 2011 relance donc les réflexions concernant le patrimoine monumental du socialisme en Bulgarie. En analyse, nous proposons trois actions de cette période, afin de présenter les différentes stratégies artistiques de réactivation et d’« éveil » des monuments, qui se transforment en véritables acteurs. Par le biais de l’art contemporain, nous observons le développement d’une conscience patrimoniale envers les vestiges du passé récent, ainsi que la mise en place de pratiques mémorielles et artistiques durables.

Sofia Roumentcheva, doctorante en droit de la propriété intellectuelle à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
Enjeux du droit d’auteur liés à la transformation des œuvres monumentales sur la voie publique
La transformation, voire la destruction d’une œuvre monumentale, qu’elle soit faite en guise de geste artistique ou de contestation politique, peut être un terrain de confrontation non seulement idéologique, mais aussi juridique. Les exemples sont multiples : un projet de réhabilitation pour des raisons de sécurité, un déplacement, une installation artistique sur un monument préexistant, un graffiti illégal, etc. Les œuvres monumentales cristallisent les conflits entre droits et intérêts parfois antagonistes à la fois des propriétaires des supports matériels et des titulaires des droits de propriété intellectuelle. Il n’est pas toujours évident de concilier les droits de l’auteur de l’œuvre initiale, les impératifs de sécurité et la liberté de création. La transformation des œuvres monumentales sur la voie publique va être envisagée ici sous l’angle du droit d’auteur français et des problématiques à la fois de qualification et d’exploitation des droits qu’elle génère.

17h10 / Discussion et remarques finales


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