Selon diverses sources, le musée du Louvre souhaiterait corriger l’erreur commise dans son communiqué de presse intitulé « La Nocturne du samedi. Un nouveau rendez-vous gratuit et festif » (5.1.2019). Et, à cette occasion, mieux préciser comment il entend agir dans le domaine de la démocratisation de l’accès au musée.
Nous l’avons alerté tout d’abord par courriel, puis lors d’un rendez-vous avec un haut responsable de l’établissement, sur ce qui peut donner lieu à une mauvaise interprétation de la réalité de la composition de la fréquentation du musée du Louvre. Nous pensions qu’une rectification interviendrait rapidement.
Désireux de montrer que les dimanches gratuits seraient avantageusement remplacés par des soirées gratuites le 1er samedi du mois (de 18h à 21h45 seulement, au lieu d’une journée complète, sachant que l’aile Richelieu sera uniquement accessible sur réservation), le musée du Louvre écrit dans son communiqué de presse : « Les catégories populaires ne sont pas plus nombreuses les dimanches gratuits : il y a 16% d’ouvriers les dimanches gratuits contre 18% les dimanches payants et 14% les autres jours. »
Faut-il en tirer la conclusion qu’un couple d’ouvriers préfère payer 30 euros pour accéder au musée du Louvre plutôt que d’y entrer gratuitement ?
Les chiffres avancés ne se rapportent pas en réalité aux seuls ouvriers (qui ne représentent pas plus de 2% de la fréquentation du musée), mais à l’ensemble formé par les ouvriers et les employés, ces derniers représentant en réalité l’essentiel du total.
Il semble quoi qu’il en soit que le musée dispose bien du chiffre se rapportant à la seule fréquentation des ouvriers, ce qu’il n’admettait pas jusqu’à présent et – en tout état de cause – n’avait pas voulu divulguer.
Ne lui appartient-il pas désormais de rendre publiques ces données chiffrées, qui intéressent chercheurs, parlementaires et citoyens ? Sachant, pour information, que les ouvriers représentent près d’un cinquième de la population active française et les employés environ 30%, soit au total la moitié de cette même population active.
Lorsque nous l’avions sollicitée au sujet des actions menées en matière de démocratisation il y a quelques années, la présidence du Louvre avait répondu de la façon suivante (NB : cette réponse figure dans la publication « La culture pour tous. Des solutions pour la démocratisation culturelle », fondation Jean-Jaurès) :
L’axe « démocratisation » ne coïncide pas avec la manière dont l’action des musées se déploie aujourd’hui et dont elle est « mesurée » (et mesurable) : pour la majorité d’entre eux, en France et à l’étranger, il s’agit d’actions spécifiques, en faveur de publics spécifiques, qui portent autant sur des actions au musée que sur des actions (activités « physiques » ou numériques) hors de leurs murs.
Ainsi, dans le cas du Louvre, il s’agit d’actions conjointes portant sur des objectifs d’amélioration de la médiation et de développement des programmes et espaces d’éducation artistique et culturelle ; sur les améliorations en matière d’accessibilité matérielle et « intellectuelle » des œuvres et des collections ; et sur la « démocratisation » de l’accès, qui concerne des publics spécifiques (jeunes et publics dits du « champ social »).
Il nous est donc impossible de répondre à ces questions de façon aussi générique et aussi large, et sur les actions et moyens correspondants.
L’article 2 du décret n° 92-1338 du 22 décembre 1992 portant création de l’établissement public du musée du Louvre précise que sa mission est d’assurer « l’accueil du public le plus large, d’en développer la fréquentation, de favoriser la connaissance de leurs collections, de concevoir et mettre en œuvre des actions d’éducation et de diffusion visant à assurer l’égal accès de tous à la culture ».
Cette mission ne saurait se limiter aux publics « spécifiques » [sic]. En effet, comme le rappelle la Cour des comptes, la politique en faveur de groupes relevant du champ social « n’implique que lointainement une modification progressive de la composition des publics », sans oublier que le doublement du prix d’entrée au musée en une dizaine d’année rend plus difficile à atteindre l’objectif de fidélisation et d’élargissement des publics.
Il semble toutefois que le président du Louvre M. Martinez, attaché à établir la réalité de son engagement dans l’accès du musée à tous, souhaiterait désormais apporter les précisions demandées ; il jugerait dommageable pour l’image de transparence et la réputation d’intégrité du musée du Louvre que ce soit la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) qui oblige l’établissement à divulguer les données complètes sur ses publics.
Par ailleurs, selon nos informations, la direction générale du Louvre serait chargée par son président d’étudier la faisabilité de la proposition que nous avons avancée dans la Gazette des communes (4.12.2017) :
Le musée du Louvre pourrait consacrer 1% de son budget à de véritables actions de démocratisation, soit 2 millions d’euros par an.
Qui peut penser qu’un cumul sur cinq ans de ce même budget, soit 10 millions d’euros, ne permettrait pas d’obtenir un résultat tangible ?
Le même raisonnement s’applique bien sûr à la Bibliothèque nationale de France, à l’Opéra de Paris, à la Comédie française ou encore au Centre Georges Pompidou.
De tels efforts, abondés par le ministère de la Culture et des fondations, permettraient de dégager un minimum de 50 millions d’euros sur cinq ans.
L’idée de la direction serait de puiser dans le fonds de dotation du musée, dont le montant atteint près de 200 millions d’euros, ce qui permet de dégager chaque année plusieurs millions au titre des intérêts du capital.
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