On reste interrogatif devant les arguments avancés par la municipalité de Caen (Calvados) pour justifier la fin de la gratuité des musées municipaux de la ville de Caen (musée des Beaux-Arts et musée de Normandie), alors même que l’entrée du Mémorial de la Paix reste fixée à… 17,50 euros !
- Premier point, ce n’est pas une affaire d’argent selon le maire, qui déclare à ce sujet : « On ne fait pas ça pour récupérer de l’argent, mais pour mettre en place une politique publique efficace, agir sur le fond des choses » (Virginie Jamin, Ouest France, 5 juin 2010). Mais comme le souligne le journaliste de Libération Samuel Madar : « Difficile d’imaginer [en effet] que ceux qui ne venaient pas au musée lorsque celui-ci était gratuit s’y rendront quand il sera payant. » (http://www.liberation.fr/culture/0101640532-caen-les-musees-redeviennent-payants)
- Deuxième point, la mesure serait peu efficace. Pourtant, la fréquentation des collections permanentes du musée des Beaux-Arts est passé de 39 334 visiteurs en 2004 à 45 007 en 2009 et celle du musée de Normandie de 40 122 à 62 871 !
- Troisième point, selon la mairie « les recettes générées devraient être de 30 à 40 000 euros. Elles permettront de mettre en place une politique publique d’accès à la culture plus solidaire et de développer des actions de médiation pour aller au devant des publics les plus éloignés de la culture. » Autrement dit, les mesures de médiation et d’aide à la visite que doit prendre toute institution muséale en application de la loi sur les Musées de France sont conditionnées… aux recettes de billetterie !
- Quatrième point, la mairie indique que la gratuité « favorisait surtout la fréquentation des touristes mais n’a pas permis d’élargir sociologiquement le public des visiteurs caennais », mais elle n’indique pas sur quels éléments d’évaluation elle fonde son appréciation…
Le communiqué de presse accompagnant la mesure suggère à cet égard une interprétation erronée des résultats de l’expérimentée conduite par le ministère de la Culture dans 14 musées et monuments en 2009 en laissant entendre que « la gratuité a d’abord constitué un effet d’aubaine pour les publics les plus favorisés et pour les touristes ».
Car la réalité est toute différente, comme l’indiquent les citations suivantes extraites des résultats de cette expérimentation (http://www2.culture.gouv.fr/culture/deps/2008/pdf/Cetudes-09_2.pdf) :
- « Qu’il s’agisse du public déjà familier des musées et plus encore des primo-visiteurs, l’effet accélérateur sur la démocratisation de l’accès aux institutions muséales est manifeste.»
- « Des résultats peu équivoques attestent d’une portée sociale de la mesure de gratuité, démontrent son succès auprès des catégories dont les pratiques culturelles sont peu ou moyennement importantes, mettent en lumière l’effet de levier de la gratuité sur la formation de la familiarité avec les musées et monuments. »
- « La gratuité a d’abord mobilisé les étudiants et les visiteurs des catégories populaires, ceux dont les liens avec la culture sont relativement distendus et la familiarité avec les musées et monuments peu considérables. »
- « Les visiteurs les moins familiers estiment que cette mesure a été un déclencheur de leur visite. »
Conclusion : la mairie de Caen, en revenant sur la décision de la précédente municipalité, n’a sans doute pas conscience du coût – culturel, mais aussi financier – de cette mesure.
En se privant d’un instrument efficace de politique culturelle (à des conditions que nous avons eu l’occasion d’exposer à plusieurs reprises ; cf. http://www.louvrepourtous.fr/La-gratuite-des-musees-vue-par,241.html, ou http://www.herodote.net/agenda/actu_gratuite_musees_Tobelem.pdf, ou encore http://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/tout-a-t-il-ete-dit-concernant-la-43916), elle néglige le fait que certaines personnes vont renoncer à leur visite et d’autres en réduiront la fréquence, sans oublier que cette mesure aura un coût sur le plan administratif, organisationnel et des ressources humaines !
Enfin, la venue d’un nombre plus important de visiteurs avait l’avantage d’offrir l’occasion d’un développement des recettes à la boutique et à la cafétéria, sans négliger les autres sources de recettes que sont le mécénat et la location d’espace…
Et vous, comment réagissez-vous de votre côté ?
Laisser un commentaire