Dans le journal Libération du 7 janvier 2011, la sociologue Nathalie Heinich, à la réputation bien établie, interpelle le ministre de la Culture (L’État face au marché de l’art : cinq questions au ministre) à propos des sujets qu’elle développe dans sa tribune (http://www.liberation.fr/culture/01012312138-l-etat-face-au-marche-de-l-art-cinq-questions-au-ministre).

Dans le New York Times du 23 janvier 2011, la journaliste Doreen Carvajal décrit plus largement une situation européenne qui conduit à des situations inédites (« This Space for Rent » : In Europe, Arts Now Must Woo Commerce : http://www.nytimes.com/2011/01/24/arts/24squeeze.html).

Cela fait assurément écho à ce que nous avons écrit à l’occasion de la nouvelle édition du Nouvel âge des musées, dans le passage suivant en particulier :

« On peut estimer en outre que la question de l’éthique muséale occupera une place de plus en plus importante dans les années à venir.

Non pas que la déontologie des professionnels de musées soit à stigmatiser, mais parce que certains des changements que nous avons décrits sont potentiellement porteurs de difficultés notables pour un exercice serein de leur profession.

Plusieurs exemples peuvent être mentionnés à ce propos, sans prétendre à l’exhaustivité.

Comme on le sait, le renchérissement sensible du coût des expositions expose leurs responsables à la tentation de réduire les garde-fous à l’égard du concours des entreprises (dans le domaine scientifique et technique notamment) ou des galeries d’art commerciales (pour la production d’œuvres d’artistes contemporains par exemple). Or, il convient de rappeler qu’une « muraille de Chine » doit en toutes circonstances s’élever entre la légitime négociation des contreparties à accorder à un financeur privé (y compris un particulier) et le contenu « éditorial » ou scientifique des expositions, qui ne doit souffrir d’aucune compromission. Convenons que s’il en était autrement, c’est tout simplement la réputation des musées et la confiance que lui accorde – à juste titre – le public qui seraient mises en péril.

Autre question qui soulève de réelles interrogations : celle d’une augmentation notable du prix d’entrée des musées et des monuments (pour leurs collections permanentes et pour leurs collections temporaires), comme on le constate dans le monde entier. Cette pente paraît néfaste pour l’indispensable recherche d’un élargissement de la fréquentation des musées et dangereuse pour le devenir même de ces institutions. En effet, si les citoyens ont le sentiment que les musées sont devenus des institutions dont l’accès est coûteux et que – dans le même temps – leur inscription dans la sphère touristique et des loisirs est de plus en plus affirmée, alors le fondement éducatif et civique qui légitime ultimement leur soutien public sera de moins en moins assuré. Sans compter que l’augmentation du prix d’accès aux plus grands musées conduit à une concentration des flux au profit des établissements vedettes et au détriment de musées plus modestes, qui sont pourtant indispensables à la bonne santé de l’écosystème muséal.

Dernier exemple, l’acceptation de plus en plus répandue que les œuvres des musées peuvent être « louées », en dehors même d’une augmentation navrante et contre-productive des « frais administratifs » ou autres « loan fees » demandés par nombre de musées pour la mise à disposition de pièces de leurs collections. C’est pourquoi – au-delà de ces trois exemples – les questions d’éthique méritent que les professionnels des musées en fassent un objet prioritaire de leurs débats dans les temps à venir. »

Cette question vous semble-t-elle également d’actualité ?


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