Évaluer les politiques culturelles : est-ce possible ? (première partie)
Ne répondant pas à des besoins sociaux directement exprimés par les citoyens, la politique culturelle – au-delà des rares compétences obligatoires des collectivités territoriales – résulte avant tout d’une politique volontariste des élus.
Parce que les valeurs auxquelles elle fait référence (curiosité intellectuelle, enrichissement personnel, capacités créatives, émancipation des individus…) sont difficiles à appréhender, en dehors de la mesure de la démocratisation de l’accès aux équipements culturels, nombre d’observateurs estiment qu’il n’est guère possible d’évaluer l’impact d’une politique culturelle.
Notre expérience, conduite avec Jean-Luc Pouts (Culture & Territoires), nous a montré – au contraire – que cette évaluation est en grande partie possible, dès lors que l’on met en place des méthodes, des indicateurs et des instruments adéquats, en référence avec les enjeux généraux de politiques publiques auxquels la culture peut apporter une contribution précieuse et unique : cohésion sociale, démarche éducative, attractivité territoriale, identité locale, etc.
Il ne suffit pas, en effet, de se contenter de mettre en évidence les habituelles données chiffrées (fréquentation des établissements culturels, nombre d’acteurs touchés par les dispositifs, évolution quantitative de l’offre) qui ne sont pas réellement en mesure, à elles seules, de décrire finement l’efficacité de la politique culturelle.
La capacité à évaluer une politique culturelle dépend ainsi de trois principaux facteurs :
- La faculté à définir précisément des enjeux : or les collectivités ont peu l’habitude de fixer les enjeux sociétaux, économiques, environnementaux et éducatifs de leur action pour la culture. Elles fixent souvent des objectifs par rapport à l’historique de leur action et de leurs établissements culturels, et par rapport aux sollicitations du terrain. Les indicateurs s’en trouvent réduits, laissant ainsi perdurer l’image d’une évaluation portant seulement sur les rapports entre des « publics » et une offre culturelle.
- Les procédures : si l’on connaît bien en général les objets sur lesquels porte l’évaluation (pertinence, cohérence, efficience, efficacité et utilité sociale), des aménagements spécifiques doivent être réalisés dans la grille évaluative pour prendre en compte les particularités de la culture. Au-delà du référentiel d’évaluation, les méthodes d’acquisition des indicateurs doivent tenir compte de sources d’informations qui, dans le domaine culturel, sont beaucoup moins nombreuses que dans les autres domaines. Cela nécessite d’attribuer aux enquêtes de terrain une place prépondérante.
- Les outils : l’évaluation systématique des politiques culturelles supposerait qu’existent en interne des moyens performants de capitalisation des données culturelles et de pré-analyse. C’est très rarement le cas et, lorsque les outils existent, leur utilisation reste marginale ou en-deçà des possibilités. Or sans outils de capitalisation des données, l’évaluation n’est pas réellement possible, d’autant que les services concernés sont fréquemment cloisonnés.
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