Où vont les musées de la ville de Paris ?

Les musées de la ville de Paris, qui forment l’un des réseaux muséaux les plus importants de notre pays, donnent aujourd’hui d’eux-mêmes une image brouillée, qui conduit à s’interroger sur la politique muséale de la capitale (http://www.paris.fr/portail/loisirs/portal.lut?page_id=144).

Qu’on en juge.

Semblant présumer de l’application par les juges d’une loi destinée à protéger les mineurs, la ville de Paris s’auto-censure a priori en interdisant l’accès de l’exposition Larry Clark aux mineurs de moins de 18 ans au musée municipal d’Art moderne. On a connu des prises de position plus fermes dans la défense de la liberté de création des artistes.

Citons à ce propos l’avis d’Édouard Treppoz, professeur de droit à l’université Jean Moulin Lyon III, directeur de l’Institut du droit de l’art et de la culture (http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/10/18/exposition-de-larry-clark-pour-la-prise-en-compte-d-une-exception-artistique-en-droit-penal_1426942_3232.html).

« La représentation du sexe non simulée n’impose donc pas toujours une qualification pornographique. Le contexte créatif peut induire une autre qualification. Si les contours de cette exception artistique ne seront pas facile à tracer, il aurait été néanmoins souhaitable que la mairie de Paris se prévale de cette exception au lieu et place d’une application uniforme du droit pénal. Elle n’aurait alors pas eu à rougir de porter cette lecture devant le juge dans l’hypothèse probable d’un contentieux. C’est à ce prix qu’un texte jugé, à juste titre, liberticide aurait pu s’adoucir. Par sa lecture littérale, la mairie de Paris condamne les plus petites institutions, qui ne pourront assumer financièrement le harcèlement procédural mené par certaines associations, à l’autocensure. »

L’analyse de la décision du maire de Paris par l’association internationale des critiques d’art est la suivante : http://www.aica-int.org/spip.php?article1057.

Le musée du Petit Palais, pour sa part, après avoir présenté des photographies de chevaux du Qatar (!) *, a laissé l’entreprise Samsung occuper ses espaces pour ce qui ressemble fort à une opération de relations publiques.

Étant toutefois présentée comme ressortissant au « mécénat de compétences », on peut se demander de ce qu’il adviendra in fine de sa qualification par les services fiscaux.

Nous renvoyons à ce propos à l’article suivant : http://www.rue89.com/2010/09/28/samsung-le-mecene-high-tech-omnipresent-du-petit-palais-168632.

Quant au musée Carnavalet (censément consacré à l’histoire de la ville de Paris), il n’hésite pas à présenter une exposition consacrée à l’entreprise Louis Vuitton, étant entendu par ailleurs que le propos scientifique de l’exposition n’apparaît pas d’une extraordinaire netteté.

Et ce alors que l’adjoint à la culture de la ville de Paris se présente lui-même sur son blog (http://www.christophe-girard.fr) comme « Directeur Stratégie de LVMH (branche mode et maroquinerie) », LVMH étant propriétaire de la marque Louis Vuitton : n’y a-t-il pas là un risque de conflit d’intérêt ?

Voir à ce propos l’article suivant : http://www.louvrepourtous.fr/Scandale-Vuitton-au-musee,619.html.

Ainsi que : http://www.formation-museographie-museologie.com/2010/10/le-musee-carnavalet-pris-la-main-dans.html et: http://latribunedelart.com/les-expositions-ambigues-des-musees-de-la-ville-de-paris-article002830.html.

Comment expliquer une telle situation, s’agissant de musées bénéficiant de l’appellation « Musée de France », avec les obligations qui l’accompagnent en termes éthiques et de déontologie ?

  • Est-ce une conséquence de la situation financière actuelle ? On a de la peine à y croire s’agissant de l’une des métropoles les plus riches du monde.
  • Est-ce le résultat d’une incertitude des professionnels de la culture sur les fondements de la mission principalement culturelle et éducative des musées ?
  • Est-ce dû à un manque d’imagination concernant la possibilité d’améliorer le fonctionnement des musées et de disposer de ressources supplémentaires, dans le respect de leur intégrité scientifique ?

Toujours est-il que cette conjonction d’opérations faisant débat dans certains des musées de ville de Paris paraît du plus mauvais effet.

Au-delà, la discussion mérite sans doute d’être élargie aux tensions que connaît actuellement le monde des musées, comme le font Daphné Bétard et Sophie Flouquet dans le Journal des  Arts (n°333, 22 octobre-4 novembre 2010, p. 19) : http://www.artclair.com/jda/archives/docs_article/79137/des-musees-prets-a-tout-.php

Et vous qu’en pensez-vous ?

* : Voici la présentation, par les services de la mairie, de cette exposition au musée du Petit Palais, qui est présenté à juste titre comme le « musée des Beaux-Arts de la ville de Paris » (http://www.petitpalais.paris.fr/fr/expositions/chevaux-du-qatar-la-legende-d%E2%80%99al-shaqab) :

« A la demande du Qatar, le Maire de Paris, Bertrand Delanoë, met à disposition le Petit Palais pour accueillir une exposition des plus beaux tirages de Vanessa von Zitzewitz. Cette exposition s’inscrit dans le cadre d’un partenariat en cours d’élaboration entre la Ville de Paris et Doha, capitale du Qatar. Elle constitue l’opportunité de faire découvrir au grand public un univers surprenant, souvent méconnu des Français et marque les 10 ans de partenariat avec son Altesse, l’Emir du Qatar, et le Grand Prix de l’Arc de Triomphe. »


Commentaires

Une réponse à “Où vont les musées de la ville de Paris ?”

  1. […] De tels projets sont aujourd’hui considérés comme événementiels, voir publicitaire ?. Je vous invite à lire cet article de Jean-Michel Tobelem qui se pose des questions sur cette soudai… […]

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